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N°24 : NITIÉMA KOUDOUGOU, MORT POUR LA FRANCE

Dernière mise à jour : 17 sept. 2024



Alors que l’on célèbre le 80ième anniversaire de la Libération, retour sur un épisode marquant et pourtant assez méconnu : la présence d’un camp de prisonniers à Morcenx.

Nous sommes le 3 mai 1943 et d’après les journalistes qui retracent les évènements, il fait beau sur Morcenx. La ville est occupée par les Allemands qui ont installé un camp annexe de prisonniers ou « arbeits Kommando » (annexe rattachée à celui d’Onesse n°195 puis plus tard au Frontstalag n°222 de Bayonne) au passage à niveau disparu de Michéou sur la route de Sabres, regroupant 494 soldats coloniaux. Ce camp, situé sur un terrain d’environ 2 hectares comprend 17 baraquements (10 pour les prisonniers, 7 pour les gardiens) et ont été aménagés sur ordre de l’occupant en juillet 1941 par une entreprise de Morcenx.


(Dès 1940, les Allemands installent 57 camps pour retenir 69.053 « indigènes » dont 16.000 sénégalais. En 1943, le chiffre de prisonniers passe à 37.000 en raison des décès, évasions et libérations (maladies ou inaptitude au travail). Les prisonniers sont affectés à des tâches dans le charbonnage, l’agriculture, le bâtiment et à Morcenx dans les forêts. Dans le cadre des accords de collaboration, ce sont les Maires qui vont construire les camps en faisant appel à des artisans locaux. Claude Dupuy raconte : « Les camps sont souvent les principaux chantiers des communes dans une économie dévastée par la guerre et en pleine crise. Ils sont donc une opportunité pour beaucoup d’artisans et de forestiers…Les Allemands vont la plupart du temps choisir les communes d’emplacement de cette infrastructure carcérale. Ils vont cibler des zones accessibles ou des zones susceptibles de participer à l’activité économique. Les infrastructures de chemin de fer, particulièrement les chemins de fer à voies étroites des Landes vont servir de moyen de transport des prisonniers…Les plans sont fixés par les Allemands. Une partie carcérale avec des baraques de type Adrian de 30 mètres de long et de 6 de large. Prévues pour 50 prisonniers, elles en reçoivent parfois une centaine… Les conditions d’hygiène sont très précaires : douches froides, toilettes limitées, lavabos à l’extérieur. Chaque camp dispose en théorie d’un magasin approvisionné par la Croix Rouge mais parfois il n’y a rien ou son accès est difficile ou limité par les gardiens. L’eau est puisée et souvent bouillie avant consommation… Fin juillet 1941, les Landes sont devenues un espace carcéral de grande taille »).


Parmi ces prisonniers, il y a Nitiéma Koudougouni, 25 ans, né en Côte d’Ivoire (actuel Burkina Faso) dans le village de Goumsi, alors en Afrique occidentale française. Il est d’une fratrie de 6 enfants. Il a été incorporé en décembre 1938 et fait prisonnier le 15 juin 1940. Interné à Orléans, il sera ensuite transféré dans les Landes. Il fait partie du 7ème régiment de tirailleurs sénégalais de Dakar.

Avec deux autres prisonniers il décide de s’évader à l’occasion d’un déplacement à pieds au chantier forestier de Barbé à Morcenx-bourg où l’on ramasse de la brande destinée au camouflage des fortifications allemandes du « mur de l'Atlantique ». Morcenx constitue en effet avec sa gare un centre logistique majeur dans les Landes pour transporter le bois d’oeuvre au coffrage et des poteaux.  Sur le chemin du retour, les trois hommes décident de passer à l’action et s’enfuient vers les sous-bois. Des coups de feu retentissent, les sentinelles réagissent prestamment (Les sentinelles allemandes sont des anciens combattants de 14-18). Tétanisé, un homme se rend immédiatement, un autre grièvement blessé décède quelques heures plus tard de retour au camp, quant au troisième Nitiéma Koudougouni… il est abattu. Le décès sera constaté par L.R. Castéra, docteur du camp. Enterré au carré musulman de Morcenx, le soldat sera honoré du titre de « Mort pour la France ». La commune apposera une plaque d’hommage aux soldats d’outremer sur le monument aux morts pour que le souvenir de ces hommes demeurent dans la mémoire de nos contemporains.

En 2009 et pendant plus d’un an, Maryse Fagotat qui réside alors au Burkina Faso fera des recherches pour retrouver la famille du soldat. Elle ramènera de la terre du village de Goumsi qu’elle déposera sur la tombe. C’est elle qui apprendra à la famille que Koudougou est décédé en France et qu’il repose à Morcenx. Elle rencontrera notamment Poco, sa soeur dont elle nous a confié la photo.

Début août 1944 les captifs de Morcenx sont renvoyés au camp principal de Laharie. Le 14 août 1944, les soldats allemands quittent le camp de Morcenx qui restera en activité pour accueillir un Centre de Formation des soldats-aviateurs français (d’avril 1945 à fin 1946). A la libération du camp le 24 août, les prisonniers prennent la route pour Morcenx et se retrouvent autour du Kiosque pour fêter cet heureux dénouement avec la population.

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