N°32 : L'INCROYABLE MÉSAVENTURE DU JEUNE CARLITOS
- La Nouvelle Morcenx
- 10 nov. 2024
- 4 min de lecture

Nous sommes en août 1944. Le Café de la Paix tenu à Morcenx par Martin Potin est considéré comme la « boite à lettres » du réseau de renseignements de l’Organisation Civile et militaire » des groupes de résistance du secteur Landes-Nord. René Madray nous livre d’étonnantes informations sur cette période. Le groupe de résistance décide de saboter la voie ferrée entre Rion et Morcenx au lieu dit « Platiet ». Une charge est installée mais le train passe une heure après sans qu’aucune explosion ne retentisse et pour cause… une patrouille de surveillance de la voie a aperçu la charge et l’a désamorcée. Si le sabordage de Morcenx a échoué, celui de Laluque a été un franc succès, un train transportant des tonnes de munitions a explosé détruisant même une partie de la gare et mettant le feu à la forêt toute proche. En ces mois d’été, les Allemands se doutent qu’ils ont perdu la guerre. Les résistants s’activent.
L’acte de sabotage de Morcenx a été l'oeuvre de Carlitos, jeune agent de liaison qui n’est pas un inconnu puisque fils de Charles Lamarque Cando, conseiller général du canton de Sabres en 1936, député des Landes de 1945 à 1968 et maire de Mont de Marsan de 1962 à 1983. Après avoir été mobilisé en 1940, auteur d’allocutions républicaines lors de la levée des couleurs à l’école, il est muté par mesure disciplinaire par Vichy dans les Hautes-Pyrénées et séparé de son épouse, malade, et de ses enfants. Il y prend contact avec les premiers résistants (Armée Secrète dès 1941). Pendant la guerre, il prend le pseudonyme de Cando, du nom de sa maison natale et organise, à Mont-de-Marsan, un mouvement de résistance rattaché à Libération Nord et au réseau Buckmaster. Capitaine, adjoint de Léon des Landes, il est chef adjoint départemental FFI.
Revenons à l’incroyable mésaventure de Carlitos. Il est 7 heures du matin à Morcenx. Carlitos se rend à l’hôtel Darroze pour y déjeuner près son sabotage avorté. Là deux cheminots allemands font également comme tous les matins leur pause. Ces derniers aperçoivent un morceau de cordon d’allumage d’un pain de plastic qui sort de la poche du veston. Aussitôt ils interrogent le jeune homme et l’arrête. Ils le précipitent dans une énorme fosse publique près des écoles où il restera jusqu’à midi sous la surveillance d’une sentinelle allemande armée. Les écoliers qui se rendent à l’école et sont témoin de la scène raconteront longtemps après cet épisode de la seconde guerre mondiale.
L’écho de l’arrestation de Carlitos arrive au Café de la Paix. De là, les camarades du jeune homme (Grue et Madray), craignant qu’il ne dévoile sous la torture les lieux de cache du matériel entreprennent de tout déménager. Ils enlèvent les caisses d’armes en plein midi sur le porte-bagages des vélos et effectuent trois voyages vers Moré. Au retour, ils croisent les Allemands qu’ils côtoient tous les jours à la gare et s’adressent à eux en patois pour les insulter. Cette provocation leur laissera un souvenir indélébile.
Carlitos est emprisonné au fort du Hà à Bordeaux. Profitant de l’énorme pagaille qui règne dans la prison et avec la complicité de gardiens allemands, Carlitos est libéré en même temps que toute la ville de Bordeaux.
Charles Lamarque Cando raconte à l’occasion d’une prise de parole aux obsèques de Guy Le Roux l’amitié qui liait son fils avec cet autre jeune combattant tombé sous les balles allemandes en ce mois d’août 1944 : « Ces deux benjamins, ces deux adolescents qui avaient déjà été camarades de Lycée, étaient devenus camarades de combat, des amis inséparables. Ils s’aimaient beaucoup et Carlitos va beaucoup regretter de ne pouvoir assister aux obsèques de Guy, son compagnon de lutte. Lorsque j’appris à Guy Le Roux que mon fils était pris par les Allemands et dans des conditions telles qu’il ne faisait pas de doute qu’il serait fusillé, les larmes vinrent à ses yeux et il me dit : « Il aurait mieux valu que ce fut moi ». Lorsque je quittais Guy Le Roux ce jour-là, je l’embrassais comme le frère de l’autre benjamin qu’il aimait tant et qu’il aurait voulu remplacer devant le poteau d’exécution, je pensais cependant sans amertume et sans envie, car il y a des sacrifices épouvantables que l’on doit accepter, que le père de Guy Le Roux était plus heureux que moi. Mais le sort a de tels retournements que le contraire s’est produit. Deux jours après Guy Le Roux tombait héroïquement mortellement frappé dans un combat contre le Boche et mon fils miraculeusement était sauvé par le sacrifice de Guy Le Roux et de tant d’autres F.F.I, qui mettaient le Boche en fuite et l’obligeaient à abandonner sa proie. Cher Monsieur Le Roux, qui avez été un résistant également, vous êtes désormais le père malheureux que je croyais devoir être et je vous demande pardon de vous avoir cru, un jour de malheur, plus favorisé que moi… Guy Le Roux, mon cher petit maquisard, ton sacrifice ne sera pas inutile, d’autres comprendront qu’ils doivent suivre ton exemple et te venger ; la France aura la grande victoire que tu voulais pour elle et tu seras des héros immortels qui auront sauvé sa gloire et sa grandeur immortelle. Tu peux dormir du sommeil des braves ».
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