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N°43 : GÉNÈSE D'UN FLEURON ÉCONOMIQUE LOCAL (épisode 1)

Dernière mise à jour : 9 févr.



UN PROJET LONGUEMENT RÉFLÉCHI




On évoque souvent la centrale d’Arjuzanx qui fut un fleuron industriel des années 50, mais on oublie la genèse de ce projet, et plus précisément ses origines.


Le gisement de lignite d’Arjuzanx a été découvert en 1916 dans une déclaration effectuée par Ernest Darroze à la préfecture. Et en avril 1919, un arrêté donne des droits d’études des ressources à Joseph Marsan de Tartas, au banquier Delvaille et au négociant Saint-Jours de Morcenx avec la perspective de vendre le lignite. Cette autorisation formelle sera accordée par arrêté préfectoral en 1923. C’est la Société des Mines de Laluque qui achète ces droits et titres. Les autorisations seront reconduites au fil du temps mais aucune exploitation ne commence. En 1929, les ingénieurs envisagent la construction d’une centrale dans 12 à 15 ans à Arjuzanx. Il faudra attendre les années 1936-1939 pour qu’une petite exploitation soit mise en place à Arjuzanx sur 1 hectare. L’extraction de lignite, très peu profonde, se fait à la main par des ouvriers locaux qui utilisent des véhicules à traction animale pour rejoindre un quai situé près de la gare. Le lignite est alors envoyé à Liévin où sont fabriqués des carburants pour l’aviation. Une partie est expédiée en Allemagne pour des essais en chaudière. S’en suit une période d’études diverses qui s’inspirent des techniques utilisées en Allemagne pour l’extraction du lignite et l’enlèvement des morts-terrains. Il est prévu d’extraire 18 millions de tonnes pour 146 millions de m3 de morts-terrains à enlever sur un site couvrant Beylongue-Arjuzanx. EDF estime que la réserve est de 70 millions de tonnes de lignite sur une durée de trente ans.


Il faudra attendre le 9 octobre 1956 pour que soit déclaré d’utilité publique les travaux de construction d’une centrale thermique sur 63 hectares à Morcenx, la mine étant située à Arjuzanx. La superficie totale des terrains est de 2700 hectares. Cette décision, motivée par des nécessités économiques de création d’emplois nombreux, ne fait pas l’unanimité, et notamment chez les 80 propriétaires fonciers expropriés à cette occasion et les habitants (souvent métayers) de la vingtaine de maisons destinées à disparaitre. A la tête de ceux-ci, Robert Dupin, Maire d’Arjuzanx, qui voit dans ce chantier une dévalorisation des terres « rendant le pays insalubre et impropre à toute culture dans l’avenir ». L’ingénieur agronome Roger Sargos s’oppose aussi au projet estimant que les gisements existant de pétrole suffisent à répondre aux besoins du moment. A l’inverse, Jean-Raymond Guyon, ancien secrétaire d’Etat à l’agriculture, invite le Sud-Ouest qu’il considère comme « une région sous-développée et en voie d’appauvrissement » à saisir l’occasion d’accepter cette manne énergétique. Le projet est fermement soutenu par Léon Brouste, maire socialiste de Morcenx et le député Charles Lamarque Cando qui considèrent qu’il s’agit d’une bouée de sauvetage pour lutter contre le chômage de masse, le marasme économique. Le Maire écrit dans Sud Ouest : « Morcenx et ses environs touchent à la fin d’une longue période de « vaches maigres ». Une ère de prospérité est en vue… Amis morcenais, continuez à faire confiance à ceux qui vous dirigent… Malgré l’obstruction systématique de quelques-uns, le progrès et le bien-être des classes laborieuses continueront leur marche ascendante ».


Certes, la Centrale a procuré une certaine richesse provisoire au territoire, son démantèlement après 33 ans d’exploitation a permis à la nature de reprendre ses droits, mais on parle encore aujourd’hui des problèmes liés à l’amiante (à ce jour, 133 victimes, dont 42 décès sont reconnus par la Sécurité sociale en « maladie professionnelle amiante ») et finalement d’un grand retour à la précarité économique de la ville aux infrastructures devenues disproportionnées. Les morcenais écoutent mais c’est une marche descendante qu’ils vivent. Plus aucun grand projet industriel n’est évoqué pour le territoire morcenais contrairement à ce qui se passe dans le pays tarusate : « Le groupe Verso Energy va consacrer un investissement de 1,4 milliard d'euros, à l'horizon 2030, afin d'ériger, sur les communes de Tartas et de Bégaar dans les Landes, un site industriel capable de produire du carburant de synthèse pour les avions » (Sud Ouest du 20/01/2025). Pourquoi Morcenx, ville centrale du département n’est-elle pas redevenue attractive pour les investisseurs, créateurs de richesse et d’emplois à l’instar d’autres communes du département ? Les avions de demain voleront grâce aux carburants de synthèse produits à Tartas après avoir volés, cent ans auparavant, grâce au lignite de Morcenx !

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